Opium
Opium, nom évocateur, aux arômes « méphitiques » ou paradisiaques selon le regard qu’on lui porte.
En 1851, sous la publication des « Paradis artificiels » Baudelaire faisait paraître et adaptait librement « Confessions d’un mangeur d’opium », récit autobiographique que Thomas de Quincey, économiste anglais, essayiste, philosophe, avait rédigé trente années auparavant. En décrivant cette expérience, loin d’en faire l’apologie, Baudelaire décrit le parcours de « l’opiomane poète » où ce dernier se libère de la tyrannie de l’opium et ses dérivés. Il triomphe dans ce récit par l’acte fondateur de la conscience qu’il aboutit dans la limpidité de ses formules : « vous êtes à peine debout qu’un vieux reste d’ivresse vous suit et vous retarde, comme le boulet de votre récente servitude ».
Un comédien, Redjep Mitrovitsa, devant un cénacle composé par cinquante spectateurs, rend à ses confessions toute la lumière des textes de Baudelaire. A ces côtés, Thomas de Quincey, représenté par une poupée lilliputienne, s’abandonne dans son petit théâtre de marionnettes, aux brumes de l’opium. Il voit dans le lointain de son décor, l’histoire de ce commerce, détruire crûment l’orient de ses rêves…
Alors qu’un certain folklore n’a retenu que le nom d’artistes romantiques décadents en quête d’inspiration dans une arrière boutique, il se cachait derrière ce rideau de pacotille la realpolitik des empires coloniaux. Ce second visage est inséparable du premier : Français et Anglais imposaient par les armes le commerce de l’opium à la Chine. A la fin du 19ème siècle, un cinquième de la population chinoise était opiomane et l’empire de Chine à genoux, n’était plus qu’un territoire asservi aux règles commerciales de l’occident.
Le spectacle « Opium » propose un voyage qui irait de la confession d’un poète vers un monde extérieur sans illusions où seul le cynisme des puissants dicte ses lois. Histoire et paradis poétiques se disputent une part de réalité.