« Il faudrait d’abord dire le bonheur qu’on goûte à ne trouver sur scène ni Micro ni Megas, mais deux personnages dont l’aspect et les rapports suffisent à rendre présent le XVIIIème siècle : bien qu’ils appartiennent à un autre (grand) auteur, on pense à Jacques et son Maître, mais aussi (un peu) à Candide et Pangloss, même si tout cela « n’est pas encore ça ». En tous cas un Maître et son disciple. Un qui parle et enseigne, l’autre qui écoute et s’enquiert, avec deux histoires, âges et corps bien différents. Ici contrairement au deux géant de Voltaire qui voyagent de comète en comète, c’est la parole qui fait voyager. Et l’image. Nous sommes bien au théâtre.

Immobiles (mais assez agités), les deux hommes bénéficient un peu du point de vue de Sirius : à portée de main, le monde (l’univers?) est offert à leurs tours (en tous cas à ceux du Maître) comme sur un plateau de prestidigitation : des pommes apparaissent, des vers blancs avancent puis disparaissent, une petite marionnette absorbée dans sa lecture tourne délicatement les pages d’un journal, d’autres, plus tard, serviront à boire. Il y a deux mondes. Celui des grands (nos deux personnages), et celui des petits (les autres, qui sortent de trappes et y rentrent en silence). Celui du dessus, celui du dessous. Un monde, le théâtre. Un rideau de tulle noire voile d’ailleurs la scène, et parfois la découvre : comme un kiosque à musique dans un jardin public, ou une grande volière ; une galaxie aussi où tournoient les astres autour des planètes que sont nos deux personnages, et que nous regardons à notre tour. Emboîtement. Mise en abyme du théâtre. Relativité. »

– Jean-Luc Matteoli, avril 2003.